samedi 19 décembre 2009

Pourquoi de nouvelles dispositions pour l'entreprise individuelle en 2010


Sur le portail internet du gouvernement, vient d'être publié un article intitulé "François Fillon annonce de nouvelles mesures pour accompagner la création d’entreprise en France". Net-Iris, portail juridique d'information, titre notamment La création d'entreprise sans bouger de chez soi” (sic !). Que penser de ce boom médiatisé de la création d'entreprise à la portée de tous ? L'auto-entrepreneur est-il toujours un entrepreneur ? Son inscription a-t-elle abouti à la création d'une entreprise individuelle ? Son auto-entreprise a-t-elle décollé ? Est-elle viable ? On ne nous dit pas tout !!, comme le scande Anne Roumanoff 

Que retient-on du discours du Premier Ministre, en présence d'Hervé Novelli ? “François Fillon célébrait, le 16 décembre 2009, la 500 000e création d'entreprise de l'année. Un record qui confirme le succès du nouveau régime de l'auto-entrepreneur et qui encourage la mise en œuvre de nouvelles mesures en faveur de la création d’entreprise.” … “Une nation sans entrepreneurs, c’est une nation qui est vouée au déclin. En revanche, une société qui rend hommage à ses entrepreneurs, c’est une société qui croit en l’avenir.”. Qu'en est-il réellement ? Où veut-on aller ?

Une enquête de l’UAE (Union des Auto-Entrepreneurs) portant sur un échantillon de 1000 auto-entrepreneurs vient de dresser le portrait moyen d'un homme de 44 ans dont l'activité est essentiellement dans le secteur des services — 39% dans les services à la personne et 28% dans les services aux entreprises —, avec un CA de 1044 € mensuel sur une moyenne de 5 mois d’ancienneté. Et comme chiffre d'affaires ne veut pas dire revenus, et encore moins revenus nets, on comprend pourquoi on note un recul du nombre d'inscriptions depuis novembre ! Derrière l'objectif louable de promouvoir l'envie d'entreprendre, et de compléter ses revenus, d'autres raisons non affichées ont poussé le gouvernement à améliorer la micro-entreprise bien connue depuis plusieurs années : la volonté de faire baisser artificiellement les statistiques du chômage et celle de "dégriser" des pans de l'activité qui se faisaient au noir (vente de biens sur e-Bay, par exemple, ou services aux particuliers qui ne passaient pas en CESU). Sur ce dernier point, le gouvernement a peut-être réussi, puisque près de 40% des auto-entrepreneurs rendent des services à la personne. Espérons toutefois qu'ils ne sont pas sous-traitants d'entreprises de services à la personne ! Auquel cas, ils seraient fortement précarisés. 

Quant à ceux, moins nombreux, qui déclarent vendre des services aux entreprises, il y a les personnes qui le font dans l'espoir de gagner davantage que s'ils créaient leur société ou s'ils utilisaient la formule du portage salarial. Hélas, les auto-entrepreneurs déclarés que je rencontre constatent plus souvent une forte baisse des prix, le client profitant de leur "statut" pour obtenir de meilleures conditions. Et je ne parle pas de cet auto-entrepreneur qui me disait le mois dernier que son offre de service sera l'assistance administrative et la comptabilité des auto-entrepreneurs !! Il n'a sans doute pas vu la CCI du coin, qui lui aurait demandé s'il avait fait ne serait-ce qu'une ébauche d'étude de marché ! Un précaire au service des précaires !! Tel pourrait être son slogan…

Alors, quelles sont ces trois nouvelles mesures pour “simplifier, sécuriser et élargir la création d'entreprise” ? “[le] "guichet unique" qui sera mis en place le 1er janvier 2010 et qui permettra de réaliser l’ensemble des démarches administratives nécessaires à la création d’entreprise, y compris par voie électronique […] ; le nouveau statut d’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) qui donnera aux entrepreneurs la possibilité de protéger leurs biens personnels en cas d’échec ;  […] permettre aux mineurs émancipés de devenir commerçants, et aux mineurs non émancipés de créer leur entreprise, avec l’autorisation de leurs parents." […] Se réjouissant d’une France “s’empare des forces qui sont en elles”, le Premier ministre a assuré que “toutes les mesures que nous essayons de prendre, notamment sur le plan de la fiscalité, pour essayer d'améliorer la compétitivité des entreprises sont des mesures qui sont fondamentales pour la croissance de l'économie, donc pour l'emploi et pour le maintien du mode de vie qui est le nôtre”.” Le mot est lâché ! Après son initiative sur les retraites pour essayer de sauver ce qui peut l'être, le Premier Ministre rappelle en filigrane que si la France était une entreprise, elle serait en état de cessation de paiement. 

Ne revenons pas sur le "guichet unique", ou comment créer son entreprise sans bouger de chez soi ! Ni sur les mineurs qui pourront créer leur entreprise avant d'avoir essayé d'avoir un emploi. Je crois que ceci pourrait d'ailleurs être une très bonne idée, puisqu'on sait que c'est mieux de prendre des risques quand on est jeune, que les discriminations parfois multiples bloquent fortement l'accès à l'emploi et que c'est bien qu'ils ne rêvent pas tous de devenir fonctionnaires. En revanche, la possibilité de protéger ses biens personnels, avec la future EIRL risque de rendre définitivement schizophrènes les CCI et autres organismes censés conseiller les futurs créateurs. L'EIRL sera-elle un hybride à mi-chemin entre l'EI et la Sarl ? Un hybride conçu pour résister à tous les maladies de l'économie, à l'image des OGM ? 

En lisant l'article, certes très orienté, de Marianne2, on y voit plus clair sur la faible marge de manœuvre du gouvernement : “Bolkestein revient, et on n'en parle pas...”. Deux extraits : “Contrairement à beaucoup d’anciennes directives, celle-ci n’entreprend pas le démantèlement d’une entreprise publique. Elle les épargne même explicitement, laissant à d’autres textes le soin de s’en charger, pour se concentrer sur son unique objectif : tout le reste. Tous les secteurs économiques sont en effet concernées, et pas seulement, comme des parlementaires le répètent trop souvent, les « professions réglementées ».” … “on trouve des morceaux de Bolkestein éclatés un peu partout. La loi de modernisation de l’économie (LME) de mai 2008 avait créé des « guichets uniques » pour l’information et les démarches administratives des entreprises européennes, avec une publicité toute particulière faite au nouveau statut d’auto-entrepreneur. Vision glorieuse, non ? 500 millions d’auto-entrepreneurs « libres » de s’établir et de « prester » là où ils le veulent.

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