vendredi 24 juillet 2009

Loto entre preneurs (voir aussi prédateur, proie)

Face à la déferlante médiatique du régime de l'auto-entrepreneur (encore trop souvent appelé "statut" encore ce jour sur BFM), l'Urssaf de Paris région parisienne vient de réaliser un guide pratique intitulé "Tout ce que vous devez savoir sur les formalités et les cotisations de l’auto-entrepreneur". Face aux dérives possibles, ce n'est pas seulement l'Urssaf, mais aussi l'Inspecteur du Travail ou les Prud'hommes qui pourraient bien mettre leur grain de sel dans un plat qui commence à se faisander.

Le guide commence par les inévitables rappels sur "les facilités administratives, fiscales et sociales", le plafonnement du chiffre d'affaires, etc. Il est surtout consacré au détail pratique concernant les différentes déclarations, cotisations, y compris de la sortie du régime.

Mais ce qui fait écho à l'actualité en période de crise, ce sont surtout les questions préalables : "points à vérifier avant de s'inscrire". Par exemple : "Mon activité est-elle éligible ?", "Mon statut me permet-il de devenir auto-entrepreneur au titre d’une activité indépendante ?", "Ai-je besoin d’une qualification professionnelle pour bénéficier du statut d’auto-entrepreneur ?".

Et là, on est au cœur des critiques sur la légalisation d'activités en concurrence directe avec son employeur (détournement de clientèle), la question des professionnels qui ont une formation ou une qualification obligatoire (artisans notamment), ou pire encore l'arrivée d'un système pour des employeurs peu scrupuleux qui voudraient faire sortir des salariés de leur entreprise pour exploiter des sous-traitants peu armés. D'où l'avertissement non voilé : "Salariés, attention ! En aucun cas votre employeur ne peut décider de vous faire adhérer à ce régime en lieu et place de votre statut de salarié."

Morale de l'histoire : une idée généreuse au départ, avec la volonté de développer une attitude d'entrepreneur, de décloisonner l'économie, risque de se retourner contre l'économie justement, avec une précarisation accrue de certaines personnes. Ceux qui croyaient prendre de nouveaux revenus, une certaine indépendance, un élan, vont peut-être devenir la cible de prédateurs qui se servent sur des proies faciles.

Voir aussi mon billet du 25 mars sur l'effet d'aubaine pour certaines entreprises.

Voir également "les dérives d'un statut"

mercredi 22 juillet 2009

La pomme a vraiment la pêche !

Les titres de la presse sont éloquents : "Résultats : Apple ne connaît pas la crise et bat des records" (Le Mag IT), "Apple snobe la crise" (Le Figaro), "Pour Apple, "la récession n'existe pas" (Le Monde)", "Apple se joue de la crise grâce à l'iPhone" (ZDNet), "Apple a trouvé la recette miracle de la croissance" (le Journal des Finances)". Comment expliquer une telle pêche pour la pomme ?

Les faits sont têtus ! "Des produits plus novateurs que jamais et des consommateurs qui y répondent", dixit Steve Jobs, de retour aux commandes, après ses ennuis de santé. Co-créateur d'Apple, en 1976, "père" du Macintosh en 1984, viré de sa compagnie en 1985, il est revenu en 1996. Le Mac, devenu trop confiné dans le monde des créatifs, refaisait surface dans le grand public avec le premier iMac aux couleurs acidulées (1998). Puis ce fut le changement radical du système d'exploitation — Mac OS X — développé à partir d'Unix (2001), mais aussi le passage aux processeurs dits "x86", permettant de faire tourner aussi bien le système Mac que Windows XP ou Vista et la plupart des Linux (2006). Après 13 ans d'innovation, les ordinateurs représentent environ 50% du chiffre d'affaires d'Apple, si l'on inclut les logiciels qui les font tourner. Ceux qui se vendent le mieux sont les portables, avec une qualité et un prix supérieurs à la moyenne des PC portables.

L'autre moitié de l'activité d'Apple vient de la famille iPod (depuis 2001), iTunes (depuis 2003) et iPhone (depuis 2007). Le mouvement est un peu inverse par rapport aux ordinateurs, puisque l'iPod a été créé pour le grand public et la musique, alors que l'iPhone est plutôt un outil de travail pour les personnes en situation de mobilité. Là encore, contrairement au Mac d'origine, la technologie n'est pas la règle numéro 1. L'iPod est arrivé assez tard sur le marché des baladeurs mp3, déjà bien installé, mais il a innové par un duo design/facilité d'utilisation, ensuite complété par la musique en ligne sur iTunes. Itou pour l'iPhone, avec en face un Nokia numéro 1, un RIM avec son Blackberry roi des professionnels. Sauf que l'iPhone n'est pas vraiment un téléphone, mais un mobile communicant et tactile, avec une fonction téléphone.

En période de crise, les leçons d'Apple sont plus que jamais valables. Les entreprises ne se remettent en cause que sous la pression, alors que Steve Jobs a cherché à "jouer un coup d'avance" au lieu de copier et transformer comme continue de la faire Microsoft, vraiment en panne d'idées et de souffle inspiré. Se pourrait-il que certaines des leçons d'Apple puissent guider les consultants et autres créateurs d'activités de conseil ? Je le crois toujours et mon billet du 23 janvier dernier l'expliquait.

PS : (mise à jour du 23/07/09) lire l'excellent MacPlus, malgré ses fautes de frappe ou de style, qui titrait ce matin "Apple plus chère que Google", voulant dire que la valorisation boursière est supérieure !! Déjà qu'on répète que le matériel Apple est plus cher que la concurrence, même quand ce n'est pas vrai, en regardant ce qui est sous le capot, et encore moins quand on compare le coût total d'utilisation (Total Cost of Ownership) !!

(mise à jour du 24/07/09) on ne résiste pas au plaisir d'ajouter que Microsoft, de son côté, mange "la soupe à la grimace […] avec un trimestre financier […] encore pire que prévu. Le géant (aux pieds d’argile) de Redmond a ainsi annoncé un chiffre d’affaires de 13,1 milliards de dollars, soit 17% de moins qu’au même trimestre l’an passé."

samedi 11 juillet 2009

Pourquoi nous bassiner avec le savoir-être ?

Un peu partout, on lit et on entend ce mot valise “savoir-être” que bien peu définissent, car on peut faire son marché très librement. Pourquoi le répète-t-on à l'envi ? Que fait-on des candidats à un poste qui n'ont pas ce “savoir-être” requis* ? Comment faire progresser les personnes qui sont en poste ? Telle est la tâche des formateurs, coachs et autres consultants internes ou externes, qui justifient leur rémunération ou leurs honoraires sur la base d'une promesse qu'il est parfois bien difficile de tenir !!

En effet, de quoi parle-t-on ? Le mot n'est ni dans le Larousse, ni dans le Littré, mais un peu partout sur le web. Commençons par l'article "savoir-être" sur Wikipedia qui nous dit ceci :
Le savoir-être correspond à la capacité de produire des actions et des réactions adaptées à l'environnement humain et écologique. Cette capacité s'acquiert en partie par la connaissance de savoirs spécifiques. Les recherches en éducation relatives au savoir-être ont pour objectif de trouver tous les moyens pédagogiques permettant aux apprenants d'acquérir au mieux la maîtrise d'actions et de réactions adaptées à leur organisme et à leur environnement : préservation de l'environnement, hygiène, empathie, contrôle émotionnel, contrôle comportemental, responsabilisation, actions pro-sociales, coopération, discours autocentré (langage "je"), gestion des conflits ...

Quel rapport avec l'acception habituelle des formateurs, coachs et consultants de tout poil ? S'agit-il de l'attitude de chacun de nous ? Certains l'écrivent en effet, en insistant sur le fait que votre attitude “parle” pour vous : il est important d'en prendre conscience et de maîtriser quelques techniques pour optimiser son comportement. S'agit-il tout simplement de notre “façon d'être” ? Comme le disait très concrètement et sans fioritures Nicole Raoult, passée de l'Anact à son cabinet d'accompagnement des seniors (Maturescence), évoquant le travail par missions que les seniors font de plus en plus pour les entreprises, lors du colloque organisé par ITG sur ce thème.

S'agit-il d'une valeur humaine fondamentale ? Voire d'une morale ? La morale est un facteur clé du bien-être collectif. L'immoralité a toujours un coût, même s'il est souvent caché car porté par les plus faibles. C'est pourquoi le savoir-être est une composante clé du recrutement et de la formation […] qui seront demain responsables de groupes humains. Ah que … ! … mais que c'est beau !!

S'agit-il de management relationnel, comme le dit comme le dit un livre intitulé “Savoir-être” ? Le savoir-être devient la nouvelle norme d'excellence professionnelle au sein des organismes pour le développement personnel de chacun et la qualité relationnelle du réseau clients-fournisseurs. [Il] passe notamment par la connaissance des comportements, des relations humaines et de la maîtrise d'outils de gestion, de communication, etc. Pourtant, ce n'est pas parce que l'on sait se comporter que l'on va agir en conséquence. En d'autres termes, le tout n'est pas de connaître le comportement adéquat, mais de le mettre en pratique, de le transformer en action. CQFD !! Toute progression dépasse la simple connaissance, ou la perception intellectuelle, voire la prise de conscience : elle a besoin de mise en pratique, d'exercice, d'entraînement.

Serait-ce du charisme** ? Ou bien — comme le dit l'article simpliste de Monster “Savoir, savoir-faire et savoir être ?” — s'agit-il des “points forts de votre caractère ainsi que votre comportement en groupe [qui] forment votre savoir-être.” Extrait de l'article du célèbre site de recrutement en ligne : “savoir = connaissances, savoir-faire = compétences, savoir-être = mode de fonctionnement […] On peut aussi définir le(s) savoir-être comme une synthèse de vos qualités, de vos défauts, de vos points forts et points faibles, de vos qualités humaines, de vos goûts et de vos motivations.” N'est-ce pas plutôt la définition même du mot “personnalité” (= ce qui distingue un individu) ? Que faire pour un candidat en recrutement ? Changer sa personnalité ? Pas possible ! Feindre ? Modifier son comportement ? Ce qu'attends le recruteur, c'est une illustration par des exemples (ou une mise en situation) des actions que le candidat a menées (ou mène spontanément) pour atteindre un résultat donné. On est bien là en plein dans le savoir-faire humain, relationnel, commercial, etc. , et donc les compétences qu'il estime avoir développées (ou qu'il devrait mettre en œuvre) dans des situations professionnelles antérieures (ou futures) !!

J'ai même trouvé sur le net une liste de critères ou dimensions du savoir-être, encore plus large et fourre-tout !! Cette liste combine des compétences plutôt cognitives (Adaptabilité, Analyse, Communication écrite, Négociation, Organisation et gestion des priorités, Orientation vers les résultats, Prise de décision, Synthèse) et/ou plutôt comportementales (Adaptabilité, Communication, Communication écrite, Négociation, Sens relationnel, Travail en équipe). J'ai aussi trouvé les “savoir-être comportementaux (sic !) : organisation, analyse et synthèse, rigueur, sens du relationnel, capacité d'écoute, curiosité, …” Faudrait savoir ! On s'intéresse à ce que je suis ou plutôt à la façon dont je me comporte, je me conduit, j'agis ?

Je crois donc — pour ma part — que le plus simple pour se faire comprendre est de parler de “savoir se comporter”. Les professionnels sérieux de la formation, du coaching ou du conseil ne vont pas s'aventurer à changer la personnalité : leur client ne le demande pas (sauf exception que je préfère mettre sur le compte d'un abus de langage), et il n'en n'a pas le droit, pas même en vertu du lien de subordination qui ne veut plus dire grand-chose ! Si on limite le “savoir-être” à ce que l'on entend le plus souvent, alors “savoir se comporter” est un autre savoir-faire (essentiellement relationnel, interpersonnel) facile à décliner en différents comportements à acquérir, améliorer, gommer, augmenter, corriger, par l'entraînement. Et cet entraînement peut se faire avec un formateur, un coach ou un consultant, avec des méthodes*** certes différentes, mais avec toujours le même résultat recherché pour développer ces compétences comportementales.

(*) par exemple, on dit à un candidat que le savoir-être compte davantage que le savoir-faire technique ou métier pour le poste. Mais comment sera-t-il est payé ? La rémunération reste trop souvent directement liée au savoir, réputé acquis lors de la formation initiale : les diplômes ont la vie dure en France ! Si part variable, elle sera calculée sur des objectifs chiffrés, avec plus ou moins de pondération individuelle ou collective.

(**) qualité d'une personne qui séduit, influence, voire fascine les autres par ses discours, ses attitudes, son tempérament, ses actions.

(***) à propos de méthodes, une émission hier de BFM parlait de "serious games", avec une société qui se propose de créer des jeux d'entreprise (pourquoi ne pas parler français ? surtout quand le concept et le produit ont déjà été créés depuis plus de 30 ans ! seule la technologie change !) pour faire travailler les comportements, en dehors du présentiel, avec une personne qualifiée ; même le journaliste était assez dubitatif, quant à l'idée qu'un jeu de rôle avec un avatar puisse significativement augmenter l'aisance relationnelle d'un commercial lorsqu'il sera en face de ses clients !!

lundi 6 juillet 2009

De moins en moins de navigation avec Explorer


Après avoir terrassé Netscape Navigator, LA référence à l'époque pour la navigation internet, Microsoft Internet Explorer a du plomb dans l'aile ! Comme quoi la stratégie du package forcé ne suffisait pas : l'inclure par défaut avec le système d'exploitation qui a inondé le monde de l'informatique dite "personnelle", et l'imbrication des deux explorateurs (interne, pour trouver les fichiers de la machine) et externe (pour aller sur le web).


Cette astucieuse confusion des genres a profité à Microsoft, au delà du raisonnable, en lui permettant d'envahir l'accès internet avec un mono-produit, toujours non orthodoxe quant au respect des règles du web, longtemps intrusif et dangereux (IE6, surnommé le cancer du web) et largement dépassé jusqu'à ce que la montée en puissance de Firefox conduise Microsoft à se réveiller et à proposer IE7, et maintenant IE8.


A force d'expliquer aux utilisateurs lambda du monde du PC qu'il n'y a pas qu'un seul outil pour aller sur le web, la fondation Mozilla, qui a repris les codes du défunt Netscape pour développer Firefox, le message s'est répandu, tant dans les institutions (telle la Gendarmerie) et les grandes administrations ou entreprises que chez les particuliers.

On peut voir le résultat, de haut en bas, avec les statistiques en France*, puis en Europe, puis du côté de la navigation sur les mobiles, qui est en train de se développer à grande vitesse, grâce à l'iPhone.

(*) la France se tâte, puisque Mozilla Firefox était en train de passer au dessus d'IE, en octobre 2008 ; puis, l'arrivée d'IE8 a fait remonter le navigateur de l'ogre de Redmond ; la tendance inéluctable au niveau européen montre bien que les courbes vont se croiser très bientôt.